
La danseuse contemporaine et chorégraphe malienne Bibata Ibrahim Maïga a procédé le mercredi 20 octobre 2021, au complexe culturel Blonba, à la restitution de son spectacle de danse intitulé « Terre promise, corps 100 esprits ». Ce spectacle solo d’une trentaine de minutes interroge la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali ainsi que ses conséquences sur le pays, notamment les régions du Nord.
« Terre promise, corps 100 esprits » est un spectacle qui allie la danse contemporaine et l’art de la performance et à travers lequel la jeune chorégraphe Bibata Ibrahim Maïga interroge les crises sociopolitiques et religieuses qui secouent le Mali. De la rébellion au djihadisme en passant par le terrorisme et les conflits intercommunautaires, « Terre promise, 100 esprits » pose son regard sur ces problématiques.
Le spectacle « Terre promise, corps 100 esprits » est exécuté en solo dans une scénographie atypique. Ici tout est symbole : un liquide rouge symbolisant le « sang des victimes », la religion, la main invisible de l’ennemi, le terrorisme et surtout l’exil forcé des populations depuis le début de la crise en 2012. Une crise qui a pris une nouvelle dimension avec la naissance des conflits intercommunautaires au centre du pays.
L’expression corporelle de l’artiste laisse entrevoir un peuple en détresse à la recherche d’une terre rêvée, cette terre qui lui a été promise, un havre de paix qui semble disparaître. Dans la scénographie, la lumière rouge sombre, des monticules de terre, un chariot presque couvert de banderoles blanches immaculées, symbole des religions musulmane et chrétienne, plongent le spectateur dans un monde de violence, de désespoir et surtout de regret. Les tournoiements et les acrobaties maîtrisés au rythme des musiques s’éclipsent sporadiquement pour laisser la place aux complaintes de l’artiste (en voix off) ponctuées du leitmotiv « Je veux que ce message soit entendu ». Une phrase dite en bambara, en français et en anglais.
Le spectateur averti peut se situer dans ce décor dominé par la métaphore et le symbolisme. « J’ai été beaucoup impressionné par le décor qui représente le côté esprit du spectacle, l’idéologie du spectacle, et aussi l’occupation scénique de l’artiste », nous a raconté Samuel Fogou, un spectateur. Comme tout art, la danse contemporaine et l’art de la performance constituent un outil de sensibilisation. Et plus qu’un discours, l’expression du corps capte mieux l’attention du spectateur et le pousse à une prise de conscience vis-à-vis d’une situation.
À travers ce spectacle, Bibata Ibrahim Maïga interpelle sur les conditions de vie des populations du nord du Mali, où les jeunes désœuvrés peuvent devenir des proies faciles pour les groupes armés qui sévissent un peu partout au Mali, sur la richesse du sous-sol qui attire les puissances et les conflits, mais aussi sur les fausses promesses des autorités maliennes qui jalonnent l’histoire de ces régions.
Soutenu par le Fonds africain pour la culture et l’Institut français de Paris, « terre promise, corps 100 esprits » est toujours en création, selon la danseuse. La prochaine phase sera la participation d’un chorégraphe professionnel marocain.
Youssouf Koné
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